Passé de mode pendant une ou deux décennies, le papier peint a troqué son costume désuet pour enfiler de nouveaux habits qui séduisent les décorateurs et les architectes d’intérieur. Artiste multiforme, Pascale Risbourg en a fait l’un de ses terrains de jeu privilégiés, en s’appuyant sur les nouvelles technologies et sur l’impression numérique mais aussi en ouvrant cet artisanat à la digitalisation - grâce à l’usage de la réalité augmentée.
Révolution numérique
« Le papier peint, c’est un prétexte pour me permettre d’explorer mon univers graphique. Je peux y retranscrire mes idées en toute liberté ». Créatrice polyvalente, Pascale Risbourg est devenue presque par hasard l’une des références actuelles de ce mode de décoration murale, en s’appuyant notamment sur les progrès techniques pour faire évoluer l’esthétique de ses collections. « Traditionnellement, le papier peint était imprimé à l’aide de rouleaux de cuivre coûteux à fabriquer – d’autant qu’il en fallait un par couleur – nécessitant de gros volumes de production. Le numérique permet désormais d’imprimer en toute petite quantité et de multiplier le nombre de teintes utilisées. On peut donc créer une pièce d’un mètre carré avec dix coloris différents aussi facilement qu’une pièce de 100 mètres carrés en deux teintes. Cela ouvre des possibilités créatives quasiment illimitées qui m’ont permis d’inventer d’autres formes de papier peint. Dès mes premiers dessins, je me suis fixé comme objectif d’imaginer de nouvelles expériences et d’apporter quelque chose de fort et d’innovant dans le domaine de la tapisserie murale ».
L’ancien et le moderne
C’est à l’occasion d’une exposition de ses œuvres à la Fondation Cartier (lorsque celle-ci se trouvait encore à Jouy-en-Josas, au sud de Paris) que Pascale Risbourg a entamé sa longue relation avec la dominoterie – terme employé pour désigner la conception et la fabrication de papier peint : « En visitant le musée de la toile de Jouy, voisin de la Fondation, les papiers un peu surannés de l’époque m’ont donné envie d’en faire un détournement érotique. J’ai noté l’idée sans vraiment donner suite. Dix ans plus tard, alors que la tendance du papier peint commençait à émerger à nouveau, j’ai repris le fil et j’ai réalisé une impression avec l’aide d’une aquarelliste. Je n’en ai pas vendu beaucoup mais la presse et les professionnels ont été enthousiastes. L’impression numérique aidant, j’ai conçu d’autres modèles en m’affranchissant des codes habituels. J’ai d’abord travaillé autour des couleurs, avec des thèmes très oniriques, en inventant des espèces d’oiseaux imaginaires ou en jouant sur les nuances de teintes. Mais comme je n’aime pas rester là où on m’attend, j’ai aussi créé des choses totalement à l’opposé, comme un papier blanc, fait de collages en relief que j’ai dessinés au cutter plutôt qu’au crayon ».
Technologie et sérendipité
Pour Pascale Risbourg, la création est synonyme de désir et d’excitation. « Il faut que je m’amuse, que quelque chose me pousse à aller plus loin, à ne pas me répéter. Je ne me considère pas vraiment comme une artiste – parce que l’aspect esthétique reste pour moi primordial alors que les artistes font plus souvent passer leur ressenti avant – mais je me fie énormément à mon instinct et je crois beaucoup à ce qu’on appelle la sérendipité, cette façon de savoir rester sensible aux hasards heureux qui mènent aux découvertes les plus inattendues ». Une ouverture d’esprit qui lui a permis de se plonger sans a priori dans les nouvelles technologies et d’imaginer des papiers peints en réalité augmentée offrant une expérience unique. « Ma première réalisation dans ce domaine a été sur le détournement érotique de la toile de Jouy. La confrontation d’une œuvre inspirée du 19ème siècle et d’une des avancées digitales les plus récentes m’a parue idéale. Mais il fallait que cela reste élégant. J’ai passé 6 mois à réaliser l’animation seconde par seconde avec un studio spécialisé, en y faisant figurer les préliminaires des saynètes… Récemment, l’architecte Michel Penneman m’a demandé de faire un autre papier en réalité augmentée pour l’hôtel Urban Yard à Bruxelles. On y retrouve des éléments architecturaux de la capitale, pris dans la végétation, qui s’animent lorsqu’on les regarde avec son smartphone et une application dédiée ».
Émotions du sol au plafond
Prochaine étape pour Pascale Risbourg, intégrer dans ses décorations murales un autre de ses modes d’expression : la céramique. « Le papier peint est un support plutôt cérébral pour moi. La céramique a un côté plus physique, je l’aborde très différemment. Je m’y sens aussi extrêmement libre, alors que sur le papier peint, je suis aujourd’hui un peu ‘attendue’. Plutôt que de décliner les concepts que j’ai mis au point – et qui sont déjà largement copiés – je préfère en inventer de nouveaux. Je réfléchis à une utilisation de la céramique comme élément mural, en exploitant son volume dans la verticalité, pour en faire un véritable objet de décoration. Quand je démarre un projet de ce type, je passe d’abord par une phase de réflexion. Je prends le temps de digérer toutes les idées et d’en maîtriser tous les aspects. Une fois que j’ai une vision claire, je me lance en totale liberté, en suivant la vibration de mes émotions ». Un processus qui lui permet d’atteindre une vraie singularité, farouchement revendiquée mais qui s’offre au regard sans s’imposer par la force. Ses papiers peints deviennent autant de passe-murailles vers un monde fantasmagorique dont Pascale Risbourg s’amuse tour à tour à nous dévoiler et à nous dissimuler les contours. Pour que le voyage ne s’arrête jamais.