Mlle Jo, la grande dame du petit mobilier
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Mlle Jo, la grande dame du petit mobilier

Mlle Jo, la grande dame du petit mobilier

Venue de la mode, Joan Bebronne a fondé il y a quelques années son propre studio de création de mobilier, baptisé Mlle Jo. Un design et une production belges qui conjuguent des savoir-faire en voie de disparition comme la marqueterie ou le tournage de bois avec des procédés modernes comme la peinture anodique ou la découpe au laser. Le tout sous le signe de l’épure et du minimalisme. Portrait d’une créatrice passionnante et passionnée.

Temps de lecture: 5 min

Mlle Jo, la grande dame du petit mobilier

De la dentelle au mobilier

Pendant 25 ans, Joan Bebronne a été directrice artistique de la ligne de lingerie d’un des plus grands fabricants de textile d’Europe. De cette période de sa vie, elle a conservé un amour sans fin du détail et de la perfection qu’elle a décidé de mettre désormais au service de créations radicalement différentes. « J’aurais pu me tourner vers les bijoux, mais j’ai préféré me confronter au mobilier, pour travailler sur des objets ayant une réelle fonction, des choses dont on se sert au quotidien, pas uniquement des éléments de décoration. J’ai tout de suite voulu mettre en place une boutique en ligne qui nous permet de rester relativement accessibles en termes de prix. Nous avons démarré juste avant le premier confinement et cela nous a sauvé la mise ». Une console suspendue en forme de toupie, une table ronde séparable conçue comme un origami et des tabourets marquetés au laiton, les trois premières créations de Joan Bebronne annonçaient dès le départ la couleur : épure des formes, intelligence de la conception et souci extrême du détail dans la réalisation.

Made in Belgium

Au fil de ses années d’activité dans le milieu de la mode, Joan Bebronne a pu constater la lente érosion de la production locale au profit d’une délocalisation de plus en plus généralisée. « J’ai vu les ateliers fermer et les métiers disparaître. En imaginant le projet Mlle Jo, j’ai pris le parti dès le départ de travailler quasiment exclusivement avec des artisans belges. Je ne veux pas dire pour autant que les productions asiatiques sont de mauvaise qualité, mais je pense que nous devons absolument préserver nos savoir-faire, dans toute leur diversité. Ce choix d’une fabrication locale – même si nous avons aussi quelques fournisseurs en Europe pour le frêne noir slovène notamment – réduit grandement les transports et donc l’empreinte carbone de toutes nos créations. Il nous permet également de travailler sur de plus petites quantités et de développer des liens privilégiés avec les artisans. J’attache une grande importance aux finitions, nous contrôlons donc chaque meuble dans notre studio avant de les expédier et nous réalisons nous mêmes certaines finitions comme les contours en cuir sur les étagères par exemple. »

Penser en 3D

C’est lors d’un voyage en Slovénie qu’est née l’idée de la gamme Toupy, ces consoles suspendues qui sont d’ores et déjà devenues une signature du studio Mlle Jo. « Nous étions dans un magasin de jouets en bois avec mon fils, nous admirions les toupies. Quelques heures plus tard, j’ai aperçu un oiseau sur une mangeoire suspendue, le rapprochement des deux a fait surgir le concept… Ce qui prend du temps ensuite, c’est évidemment la conception et la mise au point. Je travaille en coupe directe : après avoir fait un très rapide croquis, qui n’est souvent compréhensible que pour moi, je fabrique une maquette en carton ou en papier mâché. Elle sert de base aux réflexions techniques, avant de passer à l’étape du prototype à proprement parler. Pour la gamme Toupy, nous avons opté pour le bois tourné qui permet d’obtenir cet aspect tout en courbe. Mais il n’était pas envisageable de tailler le tout dans un seul bloc, d’abord parce que le bois aurait eu tendance à vriller et ensuite parce que nous devions pouvoir passer la barre de suspension. Nous avons donc mis au point un assemblage de pièces, collées en fonction de la fibre du bois, qui ne vrille pas et conserve l’aspect épuré du matériau naturel. »

Savoir-faire et technologie

De la maquette en carton au résultat final, les meubles de Mlle Jo passent par différentes étapes de fabrication associant l’artisanat et la technologie. Les tables encastrables Youmy sont ainsi réalisées dans de la tôle découpée et pliée puis recouverte de différents revêtements dont un à la peinture anodique – un procédé utilisé sur les carrosseries de voiture. Mais c’est sur la gamme de tabourets marquetés que la rencontre du moderne et de l’ancien et la plus frappante : « Nous utilisons une technique ancestrale de marqueterie mais aussi une découpe au laser. La défonce du bois – le fait de creuser la forme dans laquelle l’élément de marqueterie va s’intégrer – est faite à la fraise. C’est le seul moyen de conserver une surface égale dans un bois comme le frêne dont la densité varie énormément. Traditionnellement on utilisait des essences de bois ou du nacre pour la marqueterie, mais nous avons préféré le laiton, que nous découpons au laser avant de l’insérer dans les défonces. Pour assurer la précision des deux découpes, nous utilisons un programme informatique qui pilote le bras de la fraiseuse et du laser ».

Une complexité technique au service d’une épure esthétique dont Joan Bebronne dit elle-même qu’elle demande le plus haut niveau d’exigence : « Les choses les plus simples sont bien souvent les plus difficiles à réaliser. Quand on se recentre sur l’essentiel, quand on élague pour aller vraiment au cœur de l’idée de départ, on se met à nu. Et dans ce dénuement, les défauts se voient immédiatement car on ne peut pas les dissimuler derrière des fioritures inutiles. C’est une prise de risque et c’est au fond tout l’esprit de notre studio. L’épure demande une perfection sans faille et une exigence de tous les instants. J’espère que nous pourrons dans un futur proche proposer des meubles de plus grande taille, et nous garderons la même philosophie. »